Bonjour,
Je me permets de vous soumettre une question qui me préoccupe et pour laquelle j’aimerais recevoir votre éclairage.
Je fais partie d’un Kollel dont la direction demande aux Avrékhim, à l’occasion de la collecte annuelle, d’interrompre l’étude afin de participer activement à la levée de fonds en faveur du Kollel.
Dans le même esprit, je souhaiterais également vous interroger au sujet de mon fils, actuellement en Yéchiva. À l’approche de ‘Hanouka et de Pourim, son Rav souhaite que chaque élève prenne part personnellement à une collecte de fonds pour la Yéchiva.
Cette situation me met quelque peu mal à l’aise pour plusieurs raisons, et elle est vécue par mon fils avec une réelle gêne. Il se retrouve dans une position délicate, partagé entre l’autorité et les attentes de son Rav, et les réserves exprimées par son père, ne sachant vers qui se tourner ni quelle attitude adopter.
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir m’éclairer sur la conduite appropriée à adopter dans de tels cas.
Je vous remercie par avance pour le temps que vous voudrez bien accorder à cette question.
Avec mes salutations respectueuses.
Réponse de Rav Gabriel DAYAN
Bonjour,
En ce qui vous concerne :
En général, les Avrékhim bénéficient d’un cadre organisé et stable, qui leur permet de se consacrer pleinement à l’étude de notre sainte Torah. Ceci est le fruit d’un investissement considérable de la part de la direction et des responsables et cela doit créer chez chaque Avrekh une Hakarat Hatov [une reconnaissance] incontournable.
La participation à la campagne annuelle de collecte de fonds serait, donc, une attente légitime de la part des responsables et lorsqu'ils demandent aux Avrékhim de se mobiliser, même si cela implique d’interrompre momentanément le Limoud, il ne s’agit ni d’un abus ni d’une exigence déplacée, mais d’une forme élémentaire de 'Hessed "mérité".
On peut même considérer, de manière sous-entendue, que cette disponibilité fait partie des conditions d’appartenance au Kollel. Refuser de s’associer à la campagne traduit un manque de sensibilité au sort de ceux qui, mois après mois, œuvrent concrètement pour permettre aux Avrékhim d’étudier dans des conditions dignes et sereines.
Autre chose : lorsque l’on voit son prochain, et à plus forte raison, les responsables de son Kollel, crouler sous les dettes ou procéder à un appel de dons, lorsqu'on l'aperçoit dans le besoin, il n’est pas permis de détourner le regard ni de rester indifférent. La Torah ne nous demande pas seulement de ressentir de la peine, mais d’agir. C'est le principe de נושא בעול עם חבירו : tendre l’épaule et l'aider à supporter une charge devenue trop lourde pour lui seul. Et si Moché Rabbénou et David Hamélekh ont mérité d'être ce qu'ils ont été pour le 'Am Israël, c'est justement parce qu'ils ont été attentifs à la détresse et aux besoins des autres, qu’ils ont pris sur eux les fardeaux de leurs frères et qu’ils ont agi concrètement pour les soulager. Leur grandeur en Torah n’est pas venue du pouvoir ou de la force, mais de leur capacité à partager la peine de ceux qui étaient dans le besoin et à transformer cette compassion en action.
Et puis, si les 'Hakhamim nous enjoignent de ne pas jeter une pierre dans le puits duquel nous avons puisé de l'eau, c'est que nous devrions aussi penser à l'entretenir et lui éviter le moindre dégât. A ce sujet, voir Baba Kama 92b et Chita Mékoubétset [histoire du Ri Migach au nom du Rif].
Vous êtes sensé, brillant et intelligent. Donc, il n’est pas nécessaire de développer davantage.
Sachez, enfin, qu'à travers le monde, il y a plusieurs Kollelim où les Avrékhim doivent quitter l'enceinte du Beth-Hamidrach durant une semaine pour collecter des fonds. C'est le cas, par exemple du Kollel de Gateshead.
En ce qui concerne votre fils à la Yéchiva :
Si le Rav ou la direction n’exige pas explicitement et formellement que chaque Ba'hour participe à la collecte, alors il n’a aucune obligation de s’y engager. Sa place est dans le Beth-Hamidrach, dans l’étude et nulle part ailleurs. Il n’existe aucune justification éducative ou Rou'hanit [spirituelle] à ce qu’un enfant se retrouve à arpenter les rues, les cages d’escalier ou à frapper aux portes.
Votre position en tant que père est parfaitement claire, légitime et justifiée. Un enfant n’a pas à être exposé à ce type de situation. Et tant qu’il n’existe pas d’instruction explicite de la part de son Rav ou du Roch Yéchiva, obligeant tous les élèves à se mobiliser, votre fils n’a pas à suivre ses camarades, même si une majorité d’entre eux choisit de participer à la collecte.
Malheureusement, chaque année, après les campagnes de collecte de fonds, on constate chez certains Ba'hourim, une baisse du sérieux dans le Limoud Torah. Le fait d’être confronté trop tôt à l’argent, de sortir de leur cadre habituel et de rencontrer des personnes qu’ils ne connaissent pas peut les perturber.
Même si cela ne dure que quelques jours, ces expériences peuvent laisser des traces et détourner le Ba'hour de sa concentration et de son investissement dans le Limoud. C’est pourquoi, les parents [et les responsables de Yéchiva !!!!!] doivent rester attentifs et vigilants, afin de protéger leurs enfants et de préserver leur stabilité et leur attachement à l’étude de la Torah.
Nous sommes à votre disposition, Bé’ézrat Hachem, pour toute question supplémentaire.
Qu'Hachem vous protège et vous bénisse.

