Mon mari se protège de moi par la séparation de biens !


Bonjour Rav,

Quand nous nous sommes mariés, les parents de mon mari m'ont obligée à signer un contrat de séparation de biens, car sinon « pas de mariage ! » Cela m'a beaucoup touchée à l’époque, j’avais l’impression de m’engager dans un business, et non dans une union.

Mon mari vient juste de toucher l’héritage de son défunt parent, qui stipule que l’argent devait servir à l’achat d’un bien immobilier qui sera à son nom uniquement - ce qu’il a fait.

J’aurais aimé qu’après 16 ans de mariage, mon mari me choisisse enfin et comprenne mon opinion, au lieu de continuer avec les idées de ses parents, ce qui me peine beaucoup.

L’idée de « au cas où » me dérange beaucoup, car ce n’est pas ma vision du couple. Pour lui, ce n’est que technique, uniquement sur le papier, et il ne voit pas le problème.

J’aimerais connaître les Halakhot à ce sujet. Aurait-il pu faire autrement ? Ou doit-il respecter à la lettre l’exigence de ses parents ? Jusqu’où les parents peuvent-ils imposer leur vision du couple et leur manière de gérer ?

Je précise que tout va très bien entre nous, il m’est juste important de comprendre pour mon ressenti personnel. L’idée que mon mari se protège de moi, même fictivement, me fait énormément de peine.

Merci d’avance de votre réponse.

Réponse de Rav Gabriel DAYAN

Bonjour,

Agir de la sorte est la meilleure manière de faire disparaître la paix et de troubler l'atmosphère chaleureuse qui règne dans le foyer.

Chaque homme doit honorer et respecter son épouse, donc, votre mari doit éviter ce geste maladroit et vous faire paraître dans l'acte d'acquisition, à part égale !

Rabbi Yossi n'a jamais appelé son épouse "Ma femme", il l'appelait "Ma maison". Talmud Chabbath 118b. Donc, si vous recevez 100 % des parts du contrat, on ne taxera pas votre mari d'exagération.

Agir comme à la mode de chez les autres n'est certainement pas une manière permettant de construire un foyer et de souder les âmes. Je ne peux m'empêcher de dire que sa façon de faire est une idée infâme.

L'argument de votre mari est basé sur ce que son "parent" a écrit et peut-être aussi sur le fait que vous n'avez pas une activité professionnelle suffisamment rémunératrice [c'est ce que certains époux avancent]. Mais il doit savoir que vous vous occupez des enfants [et de bien d'autres choses]. N'est-ce pas une activité professionnelle en soi ? Pourquoi devrait-on fixer la valeur d'une personne en fonction de son bulletin de salaire ?

Aucune somme au monde ne peut être une rémunération pour votre travail intense, pas même ce que gagne Jeff Bezos ou Elon Musk.

Rabbi 'Akiva était aussi grand que Moché Rabbénou en Torah, il disait que "toute" sa Torah ainsi que celle de ses élèves appartenait à son épouse. Talmud Ketoubot 63a, Nédarim 50a.

Donc, l'idée du "parent" de votre mari ne devrait même pas lui effleurer l'esprit. Dites-lui qu'il ne faut pas être ingrat, il doit être reconnaissant ! L'épouse est le pilier de la maison. C'est grâce à elle que le mari tient sur ses pieds, c'est grâce à elle que la joie se dégage de la maison. Talmud Yébamot 62b.

N'est-ce pas suffisant pour qu'il évite de vous planter un couteau dans le dos ?

Votre mari doit fuir le mauvais chemin, il méritera les bénédictions d'Hachem, le Créateur, et il restera aux côtés de sa chère épouse jusqu'à 120 ans, sous le même toit.

Cela dit, il faut aussi savoir entendre l’autre côté. Il est possible que votre mari ait, dans son esprit, des raisons qu’il juge sérieuses, peut-être des craintes, des blessures passées ou une volonté sincère de prévenir d’éventuelles difficultés. Parfois, lorsqu’un couple traverse des moments fragiles, certains se protègent "au cas où" ; non pas par défiance ou mépris, mais par peur de perdre ce qu’ils ont reçu ou construit.

C’est pourquoi, avant de juger trop sévèrement, il est bon de lui parler, de comprendre ce qui se cache derrière cette attitude. Peut-être découvrirez-vous une angoisse, ou simplement une obéissance mécanique à des conseils parentaux qu’il n’a jamais remis en question. L’écouter, calmement, sans colère, permettra peut-être d’ouvrir un espace de dialogue sincère où chacun pourra exprimer ses blessures et ses besoins [et vous nous en ferez part].

Mais sur le fond, il est clair que la séparation de biens n’est pas une voie recommandée : elle ne nourrit ni la paix, ni la confiance, ni la lumière du foyer. Elle installe une distance, là où la Torah demande de ne former qu’un seul être comme il est dit : "Védavak Béichto, Véhayou Lébassar E’had" ["Il s'attachera à son épouse et ils deviendront une seule chair"]. Béréchit, chapitre 2, verset 24.

Votre mari doit comprendre qu’il ne s’agit pas ici d’argent ou de papier, mais d’un symbole d’union et de confiance. S’il choisit le chemin de la compréhension et de la reconnaissance, il méritera les bénédictions d’Hachem, le Créateur, et il vivra à vos côtés jusqu’à 120 ans, dans la paix et la lumière d’un foyer uni.

Mes mains tremblent, je ne suis plus en mesure de poursuivre l'écriture.

Qu’Hachem vous protège et vous bénisse.

Votre mari doit lire cette brève réponse.