Bonjour Kvod Harav,
J'ai entendu que Tachlikh était une coutume qui datait du 11ème siècle (de l'ère Goy) et que certains Rabbanim s'y opposaient (ou juste ne la faisaient pas, comme le Gra, je crois).
Pouvez-vous me citer des exemples de Rabbanim contre Tachlikh et pour quelles raisons étaient-ils opposés à cette coutume ? Et vaut-il mieux étudier la Torah ou aller à Tachlikh ?
Merci et Kol Touv.
Réponse de Rav Gabriel DAYAN
Bonjour,
De nos jours, la grande majorité du peuple juif, partout dans le monde, observe cette coutume. C’est donc ainsi qu’il convient d’agir, à condition toutefois qu’aucune transgression n’en découle, en particulier si les règles de séparation entre hommes et femmes / jeunes hommes et jeunes filles ne sont pas respectées. Dans un tel cas, on récitera la prière du Tachlikh en restant à la synagogue. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles de nombreux décisionnaires [et parmi eux, le 'Hakham Tsvi et l'auteur du Choel Ouméchiv] estiment qu’il vaudrait mieux abandonner cette coutume et se contenter de la récitation à la synagogue. Voir aussi, 'Arokh Hachoul'han, chapitre 583, Halakha 4, Séder Tachlikh Ouminhagav, page 22, note 22.
Explications :
Beaucoup de personnes ont l’habitude, le premier jour de Roch Hachana, d’aller près d’un point d’eau : mer, rivière ou source, et d’y réciter une grande prière ainsi que quelques versets, dont celui-ci : "Il reviendra, Il nous prendra en pitié, Il effacera nos fautes, et Tu jetteras dans les profondeurs de la mer tous leurs péchés" Mikha, chapitre 7, versets 18 et 19.
C’est de là que vient le nom de cette prière : Tachlikh ["Tu jetteras"]. Avec le temps, on a pris l’usage d’y ajouter d’autres versets et prières.
L’origine de cette coutume remonte à plusieurs siècles dans certaines communautés Ashkénazes. Voir Maharil [1365-1427], page 277, Cha'ar Hakavanot, page 90, Choul'han ‘Aroukh - Ora’h ‘Haïm, chapitre 583, Halakha 2.
Par la suite, elle s’est aussi répandue dans le monde Séfarade, surtout après que le Ari zal en ait fait l’éloge. Certains de nos maîtres, comme le Gaon de Vilna et son élève, Rabbi 'Haïm de Volozhin, ou les Juifs originaires du Yémen n’ont pas cette coutume et certains décisionnaires mentionnent le fait que Tachlikh ressemble malheureusement à une promenade organisée [le Grand jour du jugement] et c'est pourquoi, il faudrait l'annuler. Voir Ma'assé Rav, passage 209 et Séder Tachlikh Ouminhagav, page 22, note 22.
La pratique Kabbalistique de secouer les coins du vêtement pendant le Tachlikh, interprétée comme un geste symbolique visant à écarter les forces d’impureté accusatrices ainsi que les fautes, a été critiquée car cette coutume pouvait faire croire aux gens simples qu'il est possible de "jeter" ses fautes dans l’eau et s’en débarrasser sans une véritable Techouva.
Certains chercheurs ont émis l’hypothèse que l’origine du Tachlikh remonterait à un ancien culte cananéen, où les fautes du peuple étaient jetées dans le domaine de Rahav, dieu des mers et des fleuves, afin de les dissimuler à la divinité principale. Ils ont également rapproché ce rite de celui de l’envoi du bouc émissaire à Azazel, au cours duquel les fautes du peuple étaient placées sur la tête d’un bouc envoyé dans le désert, domaine d’Azazel. Voir ici.
Il est à noter que le Gaon de Vilna, dans son extraordinaire commentaire sur le Choul'han 'Aroukh, chapitre 583, mentionne une explication sur la coutume du Tachlikh mais il ne la rejette pas [ce qui laisse croire, d'après certains, qu'il le récitait à la synagogue].
Quant à la signification de cette pratique, plusieurs explications ont été données :
1. Elle rappelle le dévouement d’Avraham Avinou et d’Its'hak Avinou au moment de la 'Akéda. Selon le Midrash, ils durent traverser un fleuve qui s’était soudain formé [par le Satan] pour les mettre à l’épreuve.
2. L’eau symbolise la pureté et la vie : par la Techouva, l’homme se purifie, se nettoie de ses fautes, qui s’annulent comme dans des eaux purificatrices.
3. C’est aussi une prière pour que Hachem rejette les accusations et les conséquences des fautes, les envoyant dans les profondeurs de la mer, pour qu’elles ne soient plus rappelées.
Certains ont l’habitude, pendant le Tachlikh, de secouer les pans de leurs vêtements. Ce geste exprime que les fautes ne font pas partie de notre essence : elles sont seulement des choses extérieures, issues d’influences étrangères, dont nous nous détachons et dont nous voulons nous débarrasser.
Tout n'est pas dit à ce sujet.
Nous sommes à votre disposition, Bé’ézrat Hachem, pour toute question supplémentaire.
Qu'Hachem vous protège et vous bénisse.