Ma fille, ma petite étoile, vient de me donner une leçon de vie : pour avancer, il faut parfois reculer. Avant de marcher, un enfant rampe à quatre pattes, comme un canard qui glisse sur l’eau avant de prendre son envol ! Pour le moment, ma fille connaît la marche arrière, mais elle n’a pas encore passé la seconde ! C’est un peu comme si elle pilotait un vaisseau et qu’elle seule semblait avoir compris que, parfois, il faut faire un détour pour atteindre les étoiles.
Je réalise donc que parfois, pour construire, il faut tout déconstruire et rebâtir sur des fondations nouvelles. Cela me rappelle mon livre de chevet préféré, le ‘Houmach, où les histoires de vie sont toujours au rendez-vous. Des parcours parfois aux démarrages chaotiques, deviennent des flambeaux pour nous éclairer. Avant le jour, la nuit se profile ; elle n’est pas la fin, mais le début.
Dans la nuit la plus noire, la lumière scintille. Nos héros nous rappellent que chacun d’entre nous porte une histoire complexe mais tellement riche !
Traversant la tempête des fausses couches et des mois de piqûres d’hormones pour permettre à ma fille de tenir en moi, pour l’aider à s’accrocher, j’ai ressenti une impuissance, une mer de larmes dans mon âme, où chaque vague était une promesse non tenue.
Comme devant un mauvais téléfilm qui ne semble jamais finir, un hamster qui ne va nulle part et tourne dans sa roue, je me sentais incomplète, comme un puzzle aux pièces manquantes. Meurtrie par les disparitions dans mon ventre, je suppliais Hachem, Lui confiant que ma vie en dépendait.
Aujourd’hui, je comprends mieux le sens de ces épreuves. Hachem nous veut incomplets, pour briser notre ego, une pierre dans Son jardin à ôter, afin de nous relever avec dignité, prêts à recevoir Ses cadeaux si précieux.
Peut-être que si je n’avais pas eu ce parcours de vie, je n’aurais pas su apprécier ma fille à sa juste valeur.
Si je n’avais pas répété en boucle la prière de ‘Hanna — « Hachem, pourquoi m’as-Tu donné une poitrine si ce n’est pour allaiter ? » — je n’aurais peut-être pas eu la force de me lever toutes les trois heures après une césarienne pour tirer mon lait, élixir de vie.
Ces grands outsiders…
Parfois, on se sent brisé, essoré par les épreuves de la vie, comme un arbre déraciné dans une tempête. Mais c’est justement là qu’il faut garder à l’esprit notre roi David, berger dont le cœur battait comme un tambour de guerre, mis au banc des accusés par ses proches. Sa mère, une femme ayant défié les jugements du monde, est devenue la mère du roi.
Et que dire de Yossef, ce rêveur vendu par ses frères, qui s’éleva jusqu'à devenir un souverain ? Et Léa, l’épouse de Ya’akov, versant des larmes comme des étoiles dans la nuit, qui portera une descendance glorieuse.
Et Moïse, élevé dans le palais d’un pharaon, déposé dans le Nil, loin de ses racines, flottant à la surface d’un monde qui lui était étranger, et qui fut appelé à libérer son peuple des chaînes.
Et nos Imaot ? Leur stérilité, cette douleur de l’absence, devenait le chant puissant qui atteignait le cœur de Hachem.
Le Grand Orfèvre
Chaque étape, chaque détour, nous propulse à recevoir des bénédictions plus grandes. La prière et la bienveillance sont des maîtres, forgeant notre âme pour nous rendre reconnaissants pour chaque souffle de vie. Je réalise avec la maternité combien notre naissance est un miracle en soi, et je prends conscience avec ma fille, combien certaines évidences sont des cadeaux : marcher, parler…
Je comprends que les moments de vulnérabilité, tels des semences plantées dans le sol, fleurissent en empathie et en gratitude. Comme un bijoutier, Hachem — avec une loupe — œuvre sur chacun d’entre nous, taillant, polissant, sculptant nos aspérités pour révéler notre grandeur. Chaque épreuve surmontée est un chant de liberté.
Je vois en ma fille un sage en herbe, ses yeux brillants, son innocence me rappellent que la vulnérabilité est la clé d’une vie, d’une humanité.
Sans qu’elle soit l’enfant parfaite des couches-culottes, elle est simplement elle-même… Et croyez-moi, ça me suffit.
La Maman de Sheyna
